Spécificités du style Chen

Par Alain CAUDINE

Le style Chen renferme des caractéristiques qui ont été oubliées ou volontairement cachées dans les styles qui lui ont succédés et si des résultats positifs sur la santé sont constatés chez tous les pratiquants, il y a des effets et des bénéfices complémentaires ou différents obtenus avec le style Chen. 

Le style Chen, par exemple, met l’accent sur l’utilisation de la force issue de la spirale. Le corps ainsi soumis à des mouvements vrillés, de torsion, d’enroulement et de serrage réagit sur différents plans. Un tel travail de contraction et de relaxation est comparable à un essorage, il améliore la circulation des liquides (sang, lymphe, liquide céphalo-rachidien) et élimine progressivement les tensions issues de différentes stagnations, rétentions des éléments toxiques du sang dans les muscles, les tendons, les fascias. Les spirales du style Chen se comportent comme des ressorts qui absorbent les forces pour les restituer (ou non) dans le cadre du combat (Fajin) ou dans le cadre du renforcement des tendons et de la santé. 

Parmi les caractéristiques du style Chen, la recherche du travail bas au départ, pour les jeunes particulièrement, donne corps à l’efficacité et à la détermination propre au combat. Le travail bas dans un premier temps améliore la mobilisation de la zone du bassin et de la taille, c’est dans cette région que chaque mouvement prend racine. La finalité de ce travail n’est pas de réaliser des exploits en grand écart impliquant la souplesse de l’articulation coxo-fémorale comme passage obligé à l’efficacité. 

L’intérêt du travail bas pendant l’apprentissage permet au pratiquant jeune, dans le respect de ses limites, d’optimiser son potentiel  » amplitude articulaire  » dans l’espace qui est le sien. Le jeu des translations / rotations devient progressivement plus  » huilé  » et permet, avec un certain temps de pratique, de négocier plus de fermeté par le moyen de cette souplesse (les articulations deviennent plus libres et la force peut s’exprimer plus facilement et plus rapidement à partir de n’importe quelle position). Les charnières que sont les (Kua), le pli inguinal avec l’articulation coxo-fémorale dans leurs capacités d’absorption et de relâchement, deviennent une clé pour préserver la santé des genoux. 

Un autre avantage propre au style Chen c’est cette complémentarité entre la douceur et la fermeté, avec des mouvements alternés rapides et lents, accompagnés par un relâchement maximum. La détente est la qualité indispensable pour faciliter la transition, et harmoniser les contraires. Si ces trois conditions sont réunies associées au travail de la spirale, la production et le contrôle de l’énergie interne augmente. Cependant, comme les maîtres l’enseignent, les mouvements peuvent tous être réalisés à des degrés de force différents ; certaines modifications et l’adoption d’une position plus haute rendra la forme beaucoup moins exigeantes. Cependant les positions hautes ou moyenne offrent des ressources différentes, elles améliorent la rapidité des transitions d’un mouvement à l’autre (sachant qu’un mouvement né dans celui qui le précède se fond dans celui qui lui succède).

Un travail uniquement axé sur la lenteur (aérobie) pénalise le sujet si les circonstances lui imposent des changements de rythmes  » puisque sa capacité de travail anaérobie, sa tolérance à l’acidose lactique, son aptitude à re-consommer les lactates produits, à rétablir son équilibre acido-basique et à payer sa dette d’oxygène sont diminués.  » en deux mots, la pratique de l’alternance lenteur et vitesse favorise l’équilibre cardio-pulmonaire tout en étant ludique. 

Une étude récente réalisée à Pékin, a montré que les pratiquants du Taiji style Chen avec des mouvements rapides et durs, selon le choix, sont particulièrement bénéfiques aux personnes qui ont besoin d’un exutoire émotionnel plus expressif. 

Les mouvements du Taiji style Chen contiennent donc un premier niveau ou l’application à l’auto-défense est claire et directe. Il est ainsi plus aisé de comprendre un mouvement, et ainsi de mieux diriger le flux de l’énergie interne. Il constitue une base solide pour la préparation à l’auto- défense et convient parfaitement comme complément à d’autres disciplines d’arts martiaux, bien que la persévérance dans la pratique du style Chen doive suffire à atteindre la plus grande efficacité en la matière. 

Le Taiji Quan style Chen inclut des mouvements avec les mains et les doigts, et nécessite un travail d’étirement important sur toutes les articulations du corps, ce qui est bénéfique pour des personnes qui ont un besoin d’exercice plus complet. 

Exercice de rotation des mains – in « Ala source du Taiji Quan » p. 246

Le style Chen est donc adapté à la plupart des gens, aux plus jeunes ou plus déterminés qui veulent atteindre plus vite un niveau élevé de forme physique, aux personnes plus en forme qui veulent aller jusqu’aux limites de leurs possibilités, ou à celles et ceux qui souhaitent améliorer leur santé, ce style a beaucoup à offrir. 

En résumé, toutes les formes de Taiji ont des similitudes de base, et tous sont très bénéfiques à la santé et à l’équilibre général. Le style Chen a beaucoup d’avantages que les pratiquants peuvent s’approprier s’ils ont la patience et la persévérance nécessaires. 

Alain Caudine – Disciple de Grand Maître Wang Xian et référent pédagogique de l’IRAP France